Elle prit une grande inspiration. Le vent soufflait. Une douce brise amenant un vent de chaleur dans le coeur et l'âme de la jeune femme qui avançait d'un pas lent, d'un pas las. Elle regardait autour d'elle, souriant aux enfants qui jouaient, saluant les passants qui lui rendaient la pareille. Pour une fois, pour un instant, son peuple avait l'air heureux. Pour l'espace d'une seconde, elle avait l'impression de se retrouver face à une nation heureuse et sans soucis. Elle ferma les yeux, les rayons du soleil passaient à travers les branches des arbres et venaient caresser sa peau d'albâtre comme les bras rassurants d'une mère confortant son enfant. Ça lui réchauffait le cœur et l'âme et pour un instant seulement, elle se retrouva plongée dans ses souvenirs, bien des années en arrière, à une époque révolue dont elle aimerait bien retrouver la trace.

« Elle ouvrit les yeux avec bonheur. Sautant hors de son lit, Aegan se dirigea vers la fenêtre de sa chambre pour regarder à l'extérieur. Sous ses yeux s'étendait la ville d'Endore, sa ville. Elle en était la seconde reine et, malgré ses 24 ans, elle faisait tout en son possible pour garder la paix et la prospérité dans la cité. Rapidement, elle enfila une robe de soie qui ne l'étoufferait pas dans la chaleur de l'été et elle sortit à l'extérieur. Déjà, les rues de la ville étaient bondées et c'est avec un sourire et une amabilité que la jeune femme se mêla à la foule. La place du marché était toujours animée d'une joie de vivre des plus amusante. La jeune femme ressentant un peu la faim, n'ayant pas encore eu le temps de manger, s'approcha d'un stand et acheta une orange, un fruit assez rare dans de telles circonstances, mais qu'elle savait pouvoir s'offrir. Elle commença à manger tout en reprenant sa marche. Elle s'arrêtait devant les étalages, s'émerveillant toujours un peu plus devant les étalages de produits venant des quatre coins d'Aläageria. Elle qui avait toujours rêvé d'aventure et de voir le monde, toutes ces trouvailles sur la place publique ainsi que les histoires que racontaient les marchants l'avait toujours attirée. Un enfant passa près d'elle et avec un sourire, elle lui tendit un morceau d'orange. « Tiens, c'est pour toi ! » Le visage de l'enfant, qui venait alors de reconnaître la jeune femme, s'étira d'un grand sourire et il tendit sa petite main vers le quartier avec une certaine gêne. « Merci beaucoup Madame ! » dit-il de sa petite voix, faisait alors sourire un peu plus Aegan, qui était heureuse de voir la joie dans les yeux du gamin. « Ça me fait plaisir. » L'enfant reprit alors sa route et elle fit de même, zigzaguant entre les passants, appréciant la quiétude, la paix et la sérénité d'Endore. »

La nostalgie s'empara alors d'Aegan. Elle tortilla lentement une mèche de ses cheveux blancs entre ses doigts et reprit sa marche avec un nouveau soupir. Elle était lasse, elle avait mal. Si seulement tout pouvait revenir à la normale, mais c'était trop tard maintenant. Trente ans. Trente ans que la guerre les avait frappés. Trente ans qu'ils avaient fui Endore pour rejoindre les terres de l'Est afin de sauver leur peuple. Sa sœur et elle avaient tout fait pour ce peuple qui était tout ce qu'elles avaient. Les protéger était leur devoir. C'est à ce moment que sa soeur jumelle, Déna, avait commis une première erreur. Trente ans que le temps s'était figés pour l'entièreté de leur peuple. Elle poussa un soupir, si c'était le mieux pour leur peuple à l'époque, Aegan avait prit conscience que toute magie venait avec un prix et depuis peu, c'est elle qui en payait le prix. Lors des dernières années, elle avait tout fait pour son peuple, pour le garder en vie, pour lui assurer le meilleur de ce qu'elle pouvait leur offrir. Mais le problème lorsque l'on règne à deux, c'est que les décisions se prennent à deux. Et comme elle à toujours été plus effacée que sa soeur, les idées et les opinions d'Aegan avaient rarement le poids qu'elle espérait. Mais elle avait toujours fait de son mieux. Certes, elle avait toujours rêvé d'aventures, mais pas comme ça, pas à ce prix. Devoir fuir Endore avait donné à la Reine une volonté nouvelle de protéger les survivants du jour de l'Ombre, mais surtout, de leur apporter la justice qu'ils méritaient. Cette aventure-là, elle n'en voulait pas, mais elle la subissait. Seulement le sort semblait s'acharner sur la jeune femme. Une douleur au dos la força à devoir, s'arrêter et s'asseoir sur une vieille souche de temps de reprendre un peu d'énergie. Elle se rendit alors compte que sa longue marche l'avait également essoufflé beaucoup plus qu'elle ne l'avait cru. Les souvenirs lui revinrent une fois de plus comme de l'eau et elle se sentit happée dans le passé.

« Elle se sentait étourdie. Elle avançait douloureusement, ses muscles la faisaient atrocement souffrir depuis quelque temps sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi, mais elle se devait de garder la face. Elle ne pouvait se permettre de ne pas être là pour son peuple alors que ce dernier avait tout quitté. Elle se devait de les protéger et de veiller sur eux. Un pas. Puis un autre. Tout s'était mis à tourner sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Les gens autour d'elle devenaient de plus en plus flous, leurs voix lui parvenaient comme à travers du coton. Des voix étouffées qui semblaient vouloir lui livrer un message. Mais ce message, elle ne le comprenait pas. C'est alors que tout bascula et la seconde suivant le moment où elle heurta le sol, ce fut l'obscurité qui s'empara d'elle.


Ses yeux papillonnèrent. Sa tête lui faisait toujours mal, comme si elle avait été prise dans un étau. Que c'était-il passé ? Elle n'en savait rien. Aegan tenta de se redresser, mais étouffa un cri de douleur et se rallongea. « Vous devriez faire plus attention ! » La jeune reine tourna la tête pour voir une jeune femme un peu plus loin dans la pièce. « Que c'est-il passé ? » demanda-t-elle. C'est alors que la jeune inconnue lui raconta tout. Comment elle s'était effondrée sur la place publique, comment ses cheveux avaient commencer à changer de couleur et que son corps commençait à prendre un coup de vieux. La peur s'empara alors d'Aegan. Elle qui devait veiller sur son peuple ne pourrait peut-être plus le faire. Des jours durant, elle n'avait pu être présente pour les siens, plongés dans une inconscience dont elle venait à peine de se réveiller. Les larmes se mirent alors à couler sur ses joues alors qu'elle faisait face à une triste réalité : elle vieillissait, alors que son peuple était toujours figé dans le temps. Elle échappait à la règle et les conséquences de cette situation lui faisaient peur. Lentement, la jeune femme face à elle la prit dans ses bras et pour la première fois depuis longtemps, Aegan se permit de montrer sa faiblesse devant un de ses sujets. Elle pleura sur l'épaule de cette jeune femme qui, malgré tout, semblait comprendre la reine de l'Est. »

Décidée à faire entendre sa voix, Aegan se releva. Elle avait appris, dans les derniers temps, à vire avec les conséquences du vieillissement de son corps. Elle avait appris à accepter l'exil hors d'Endore, elle avait appris à ne rien dire quand sa sœur avait figé tout un peuple hors du temps, elle avait appris à ne blâmer personne pour les conséquences dont elle était victime, mais la réalisé était claire pour elle. Toute sa vie, Aegan avait voulu ce qu'il y avait de mieux pour son peuple, trop souvent,elle s'était inclinée devant la volonté de sa sœur, mais cette fois, elle allait faire entendre sa voix. Elle marcha alors jusqu'à la hutte qu'elle partageait avec sa jumelle et trouva celle-ci, debout devant une table, avec quelques conseillers « Déna, nous devons parler ! » Affirma-t-elle. Déna soupira, mais Argan ne lâcha pas prise. Elles avaient eu cette conversation maintes et maintes fois depuis qu'Aegan avait décidé de se retirer des affaires du royaume, sans pour autant arrêter de donner des avis à sa soeur. Avis trop peu souvent entendus. « Je t'écoutes... » Aegan prit une inspiration. « Il est temps Déna. Nous nous sommes joués du temps trop longtemps, maintenant, il est temps de laisser les choses reprendre leur court normal. » Elle sourit à sa soeur et pointa alors une ville sur la carte. Sa ville, son chez-elle. Elle sourit. Elle savait qu'elle se heurterait à un mur, mais elle prononça tout de même les mots qu'elle avait si longtemps espéré dire. Depuis trente ans, elle attendait ce moment, maintenant, il lui fallait convaincre la première reine. Les mots franchirent ses lèvres tout naturellement, comme si s'était une évidence même. « Il est temps de rentrer à Endore ! »